Sciences Po toujours plus à la dérive vers le tout-anglais (Lettre de plusieurs sociétés savantes à la Direction de Sciences PO)

Les Président(e)s soussigné(e)s, à
Monsieur Frédéric MION Directeur de Sciences Po
27, rue Saint Guillaume
75337 Paris Cedex 07
Copie à Madame la Cornelia WOLL, Directrice des Études et de la Scolarité
Paris, le 24 janvier 2017. Monsieur le Directeur,
Les président(e)s des associations du RELIAM (Réseau des Langues Ibériques et Ibéroaméricaines), composé des sociétés savantes toutes représentatives des enseignants, chercheurs et enseignants-chercheurs, se permettent de vous faire connaître leur grande préoccupation face au récent projet de réforme envisagée à Sciences Po qui prévoit, à compter de la rentrée 2017, une diminution du nombre d’heures hebdomadaires d’enseignement des langues étrangères.
Nos collègues de Sciences Po nous informent que la réforme en cours du Collège Universitaire prévoit la quasi disparition des langues étrangères dans l’enseignement et qu’il deviendra nécessaire d’obtenir un niveau C1 en anglais à l’issue du Bachelor au détriment des autres langues. La possibilité pour les étudiants d’apprendre et/ou perfectionner une LV2 et une LV3 serait donc fortement compromise tant qu’ils n’auraient pas acquis les niveaux nécessaires en langue anglaise. La politique du « tout anglais » refoulera ainsi les désirs des étudiants de s'attacher à une autre langue que l'anglais tant qu’ils n’auraient pas atteint le haut niveau exigé en LV1.
Qu’il nous soit permis ici de vous rappeler que si tous vos campus sont désignés comme étant « européens », le respect et la promotion de la diversité linguistique doivent être la norme dans un établissement public de haute formation comme c’est le cas pour Sciences Po. Par ailleurs, l’investissement institutionnel pour faciliter l’acquisition d’un autre instrument linguistique différent de l’anglais (en ce qui nous concerne les langues romanes de grande pénétration internationale) est un atout indéniable en tant qu’élément différenciateur, pour l’employabilité des futurs cadres que vous formez.
Les présidents signataires, conscients que la diversité linguistique fait la force et l’attractivité des institutions bien classées comme la vôtre, expriment ici leur désaccord vis-à-vis de ce projet de réforme, largement préjudiciable au maintien d’une diversification culturelle hautement proclamée officiellement, et à celui d’une offre de formation ouverte, conforme aux principes d’universalité prodigués par la France et à son rayonnement culturel. Car comment promouvoir légitimement la francophonie de par le monde si l’on ne s’attache pas, en contrepartie, à manifester concrètement son intérêt pour les langues et cultures des partenaires ? Et comment espérer ouvrir notre pays aux échanges si les hauts fonctionnaires et cadres chargés de l’administrer ne sont pas formés aux langues des interlocuteurs étrangers qui, loin de là, ne sont pas tous anglophones ?
Nous voulons croire que la prestigieuse institution à laquelle vous appartenez, forte de ces valeurs, saura les traduire par les mesures qui s’imposent pour protéger les spécificités linguistiques de chaque campus de Sciences Po.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Directeur, en nos sentiments respectueux.

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