À Bruxelles, on parle, on écrit, on pense en anglais. Est-ce vraiment grave ? Oui, répondent, dans une tribune au « Monde », l’essayiste Frédéric Pennel et le sénateur André Vallini, ancien secrétaire d’Etat à la francophonie, appelant à résister à l’uniformisation des esprits et des modes de pensée.
« Dès lors que le Brexit serait acté, les institutions s’exprimeraient dans la langue maternelle de 1% des Européens, Irlandais et Maltais principalement » Harry Haysom/Ikon Images / Photononstop
André Vallini, sénateur (PS) de l’Isère, ancien secrétaire d’Etat à la francophonie
En septembre dernier, c’est une pétition étonnante que des fonctionnaires de la Commission européenne, de diverses nationalités, ont adressée à leur future présidente, Ursula von der Leyen. Leur requête : pouvoir travailler en français. Sans s’excuser ni se cacher. Le français bénéficie, avec l’allemand et l’anglais, du statut de langue de travail au sein des institutions européennes. Une place que la France tire de son rôle historique dans la construction européenne.
Pourtant dans les faits, les langues de Goethe puis de Molière ont été progressivement marginalisées : si, en 1986, 26 % des textes de la Commission étaient en anglais, ils étaient 81 % en 2014. Parallèlement, la place du français est passée de 58 % en 1986 à 3,5 % en 2016. « Même lorsque la hiérarchie est francophone, nous recevons comme instruction orale de ne pas produire de documents dans d’autres langues que l’anglais », écrivent les pétitionnaires. Sur la trentaine d’agences de l’Union, une vingtaine présentent leur site uniquement en anglais. Cette hégémonie linguistique renforce le sentiment d’éloignement de l’Union Européenne ressenti par les citoyens.