Logo de l'OEP
Logo de l'OEP

European and international institutions

Un monde sans interprètes ? (Le Monde)

Un article de Brigitte Perucca paru dans l'édition du Monde du 19 mars 2010

C'est une menace pour les institutions internationales qui tirent le signal d'alarme : une pénurie d'interprètes s'annonce pour les années qui viennent. "Environ 40 % des 600 fonctionnaires interprètes, toutes langues confondues, embauchés dans les années 1970 partiront à la retraite d'ici à dix ans", s'inquiète Marc Benedetti, directeur général de la DG interprétariat à la Commission européenne. La concurrence est devenue plus vive avec le privé, "qui recrute beaucoup de ces professionnels", ajoute Shaaban M. Shaaban, secrétaire général adjoint chargé de la gestion des conférences à l'ONU, pour qui l'ensemble des langues est touché.

Les Nations unies emploient 230 interprètes dans six langues (anglais, français, arabe, chinois, espagnol et russe). La moitié d'entre eux travaillent au siège à New York, l'autre moitié se répartissent entre les sites de Genève, Vienne et Nairobi. La Commission européenne prévoit de recruter 200 interprètes de conférence de langue française au cours des dix prochaines années.

Et la tendance est la même pour les langues de plusieurs pays de l'Union comme l'italien, l'allemand, le néerlandais et surtout l'anglais, qui connaît la pénurie la plus grave. D'ores et déjà, Bruxelles doit faire appel à "200 à 300 interprètes free-lance par jour pour assurer 50 à 60 conférences", dans les 23 langues officielles des 27 Etats membres.

Les écoles, comme les institutions, vont devoir apprendre à séduire, car la profession attire peu, ou pas assez. L'idée selon laquelle l'interprétariat est devenu inutile dans un monde où tout le monde parle - ou doit parler - anglais, a peut-être détourné les jeunes de cette voie...

N'y accède pas non plus qui veut : 30 % seulement des étudiants réussissent les concours d'admission des grandes institutions internationales telles que les Nation unies. "Nous manquons de candidats de qualité", indique Marie Mériaud-Brischoux, directrice générale de l'Institut supérieur d'interprétation et de traduction (ISIT).

A chacun sa méthode pour attirer les candidats. Bruxelles a choisi de s'adresser aux jeunes, via YouTube et Facebook. L'ONU a signé, début mars, des mémorandums avec 16 écoles dans le monde, dont quatre forment des interprètes de langue française - l'ISIT, l'Ecole supérieure d'interprètes et de traducteurs à Paris, mais aussi les écoles d'interprétariat de Genève en Suisse et de Mons en Belgique. Le dispositif devrait permettre à leurs étudiants de mieux se préparer aux concours de recrutement du personnel linguistique de l'ONU.

Brigitte Perucca