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European and international institutions

"Pour un véritable multilinguisme en Europe"

"Pour un véritable multilinguisme en Europe", un entretien avec Anna-Maria Campogrande, présidente de l'association Athéna, dans la revue L'Indépendance, N°37 de mars 2007 :

Question : Pouvez-vous exposer aux lecteurs les raisons de la création d’Athéna, association pour la promotion et la défense des langues officielles de la Communauté européenne.

Réponse :

Athéna est une association crée par et à l’intention des fonctionnaires des institutions européennes. Elle est née du constat de la dérive vers la langue unique, de plus en plus imposée d’en haut de la hiérarchie, au sein de ces institutions.

Au cours des dernières années, en dépit de la situation de

malaise et de contrainte dans laquelle se sont trouvés des milliers de fonctionnaires, à cause du changement obligatoire vers l’anglais, nombre d’entre eux ayant été obligés de quitter avant l’heure, le mot d’ordre qui circulait parmi les organisations syndicales et professionnelles était que « les langues ne sont pas matière syndicale ».

Le syndicat Action et Défense a rompu avec cette ligne de conduite et a crée en son sein un espace pour la création, la mise en œuvre et l’action d’Athéna.

Question : Quels sont les principaux combats d’Athéna ?

Réponse :

L’objectif fondamental d’Athéna est celui de promouvoir un véritable et authentique plurilinguisme au sein des institutions européennes et des Etats membres, dans le respect de la lettre et de l’esprit des Traités fondateurs. Pour atteindre cet objectif Athéna a vocation d’être un interlocuteur de la Commission, en son sein et de collaborer avec elle. Dans cette optique elle se propose de concevoir et de proposer des mesures telles que, notamment, un code de bonne conduite ainsi que toute autre forme de réglementation afin de rendre effectif et opérationnel le plurilinguisme. Athéna vise le rétablissement de services linguistiques à la hauteur des besoins d’une société plurilingue, conçus comme des centres d’excellence au service du citoyen. Elle préconise, avant tout, l’instauration du plurilinguisme dans les programmes d’éducation nationale et la mise en place d’un système fondé sur la reconnaissance réciproque et le respect de la diversité, dans le but de former les écoliers à la citoyenneté européenne et de leur rendre accessible, sur la base d’inclination et choix personnels, l’ensemble du territoire de l’Europe.


Question : Est-il normal, selon vous, que des députés au Parlement européen soient souvent contraints de travailler en anglais et, par conséquent, de voter sur des textes non traduits dans leurs langues ?

Réponse :

Ce n’est pas du tout normal, c’est, au contraire, une grave atteinte à la démocratie ainsi qu’ à l’efficacité, le rendement et la qualité du travail accompli par les députés. Parfois il suffit un mot pour changer le sens d’un texte entier.

Un membre du Parlement européen ne doit pas, nécessairement, être un linguiste. Il est élu pour représenter le peuple, ses compétences relèvent de connaissances qui ont trait aux problèmes de la société de notre époque, ses connaissances linguistiques ne peuvent et ne doivent pas jouer un rôle dans son élection. Le fait de présenter aux parlementaires européens des documents de travail uniquement en anglais mine à la base le travail de l’ensemble des institutions européennes et leur ôte toute crédibilité.

Au sein des institutions européennes, ces dernières années, tous les services, en priorité les services linguistiques, ont été ravagés par la mise en place de réformes et dispositifs successifs qui sapent l’idée même de service public. La fonction publique européenne, qui constitue le bras opérationnel de la démocratie, est menacée dans sa compétence, dans son indépendance, dans sa continuité, dans sa durabilité.

Pour la fonction publique européenne et encore davantage pour le Parlement européen les langues constituent, avant tout, un instrument de travail fondamental, porteur des identités et des spécificités nationales dans le processus d’intégration. Afin d’obtenir un travail de qualité, dans l’optique de la composition des intérêts au sein d’un processus d’intégration équitable, il est impératif que les membres du Parlement européen, mais aussi tout fonctionnaire impliqué dans l’élaboration de textes pour arriver à un dispositif commun, comprennent parfaitement la matière traitée, ses attenant et ses aboutissant, sous peine de transformer le processus d’intégration en un processus de colonisation, surtout culturelle dans le sens le plus large.

En faits, lors qu’il s’agit du travail d’institutions, qui interviennent dans la vie des citoyens et la déterminent, le problème fondamental est l’efficacité du processus de prise de décision. Or, contrairement à ce que les anglophones répandent dans le monde entier, « efficacité » n’est pas égale à « économie », bien au contraire ! « efficacité » est égale à « qualité ».