Prendre les langues pour ce qu’elles sont (Libération)

La décision du Conseil constitutionnel de censurer l’enseignement immersif des langues régionales s’attaque à des établissements dont l’objectif n’a jamais été la sécession. La pratique d’une langue n’en exclut aucune autre.

par Michel Launey, professeur de linguistique honoraire, Université Denis-Diderot, directeur de recherche honoraire, IRD-Guyane - publié le 7 juin 2021 - Photo : Enseignement de l'occitan à l'école Calandreta de Toulouse, qui accueille les enfants de maternelle et de primaire en immersion linguistique. (Andbz/Abaca)

Le Conseil constitutionnel a censuré l’enseignement immersif des langues régionales en le définissant comme «une méthode qui ne se borne pas à enseigner cette langue, mais consiste à l’utiliser comme langue principale d’enseignement et comme langue de communication au sein de l’établissement». Qu’il y ait ou non interprétation abusive de l’article 2 de la Constitution, il reste une ambiguïté, puisque le Conseil condamne l’immersion en général, sans préciser à quelle proportion la «langue principale d’enseignement» deviendrait licite : quid de la parité horaire ? Et des lycées internationaux ? Jusqu’où s’étend cette mise à mort ?

«Glottodiversité»

Dans les débats publics et les décisions politiques, les langues sont présentées sous plusieurs angles : utilitaire (la langue comme instrument de communication), sociopolitique (lieu d’interactions et de rapports de force sociaux), culturel (véhicule d’une vision du monde, d’une littérature…), ou symbolique (élément d’une identité nationale, régionale, ethnique…). Il est très rare qu’on y trouve la dimension proprement linguistique : les langues comme autant de constructions intellectuelles par lesquelles les êtres humains produisent du sens. Celle-ci ouvre pourtant sur des perspectives rationnelles et bénéfiques, en particulier sous deux aspects : un plurilinguisme apaisé et une place réfléchie des langues dans les politiques éducatives.

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