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Du mauvais allemand vaut mieux que du bon anglais (Süddeutsche Zeitung)

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Error, error : Der Sportwagenhersteller Porsche setzt intern ganz auf die deutsche Sprache. Weil der Einfallsreichtum der Ingenieure dann größer ist. 

Un article de la Süddeutsche Zeitung vom 11.3.2008  Von Stefanie Gentner. Lire l'article  dans le texte.

Résumé

Du mauvais allemand vaut mieux que du bon anglais

Error,error :

Le constructeur de voitures de sport Porsche parie totalement sur la langue allemande pour ses relations internes. Car cela augmente  d'autant l'inventivité des ingénieurs.

L'article démontre que l'emploi systématique de l'allemand chez Porsche constitue la raison majeure de la réussite de la firme. Comme l'ont constaté linguistes et conseillers de l'entreprise, l'anglais apparait en effet comme un handicap, et ce à plusieurs niveaux :

- collaborateurs bloqués qui ne s'expriment plus lors des réunions ;

- imprécision dans la traduction de points de détail pointus dont la compréhension est cruciale ;

- ralentissement et même arrêt de processus de travail  lorsque seuls les collaborateurs qui maîtrisent l'anglais parviennent à s'exprimer alors qu'ils ne sont pas forcément les spécialistes de la question ;

- dossiers non traités, missions non exécutées faute de compréhension suffisante des contenus ;

- mais surtout : l'usage de l'anglais inhibe l'imagination et l'inventivité des ingénieurs, facultés qui font la force de l'entreprise.....

Cependant, alors que les succès de Porsche, non seulement sur le plan commercial mais dans l'estime des Allemands, sont flagrants, la plupart des grandes entreprises allemandes s'anglicisent et vont jusqu'à angliciser leurs noms et, comme Siemens et la BASF,  ceux de leurs principales branches d'activité. Il est pourtant clair que la mention "made in Gemany" constitue le meilleur argument de vente et que l'usage d'un anglais simplifié et défectueux qui se développe dans les entreprises allemandes est un facteur de malentendus et d'incompréhension aux conséquences gravissimes. L'échec de Wal-Mart en Allemagne est ainsi dû au fait d'avoir imposé le tout anglais : les employés de base n'arrivaient pas à faire comprendre leurs réclamations ; le manque de motivation de ces derniers s'est étendu à .... toute la clientèle. 

Porsche a réussi à s'imposer comme l'un des constructeurs automobiles les plus en vue. Comme le souligne elle-même la firme de Zuffenhausen, l'usage systématique de l'allemand comme langue de l'entreprise pourrait bien être un facteur déterminant de ce succès. Conseillers en entreprise et linguiste le disent également.

Récemment les lecteurs de la revue "Deutsche Sprachwelt" (Le monde de la langue allemande) ont eux-aussi rendu hommage à l'engagement de Porsche en sacrant le constructeur -auto  "défenseur de la langue de l'année".

De fait, l'utilisation systématique de l'allemand  comme.langue du groupe, comme Porsche tente de l'imposer, comporte des avantages décisifs. Par exemple lors de délibérations : l'expérience prouve que même des ingénieurs diplômés- des directeurs d'usines de plus de 5000 collaborateurs- ne disent mot dans les "meetings" parce que rien ne leur vient à l'esprit en anglais ou qu'il ne veulent pas se ridiculiser.

Le PDG de Porsche, Wendelin Wiedeking, l'a déjà souligné, il y a quelque temps, dans le "Spiegel" : "Bien sûr, les managers peuvent se comprendre en anglais. Mais ce n'est pas le cas pour toutes les étapes du travail. Les choses deviennent très difficiles au niveau des détails, quand il s'agit de pièces de moteur, par exemple. Or c'est justement sur ces questions que les collaborateurs doivent se comprendre parfaitement. Et lorque l'anglais ou le français sont la langue du groupe, cela défavorise automatiquement ceux dont ce n'est pas la langue maternelle."

 Il n'est que trop évident que, dans ces conditions, les processus de travail se déroulent avec plus de lenteur et même capotent. "Lors des grandes réunions ne s'expriment subitement plus que ceux qui parlent bien anglais et pas ceux qui ont  les notions techniques de la question", dit le linguiste et conseiller d'entreprise Reiner Pogarell. Il donne un exemple approprié : "Rien que le mot "Fehler" ("faute", "erreur") se laisse décliner en allemand en plusieurs nuances des plus fines".

Il peut s'agir d'un défaut qualitatif, d'une méprise, d'une faute de prospective, d'une stratégie inappropriée. L'ingénieur allemand qui ne connait que le mot anglais"error"sera bien empêché de parvenir à préciser ce qu'il veut dire exactement. "Et c'est ainsi qu'échouent les procédures de travail les plus simples", dit Pogarell.

Et cela continue au niveau du traitement des dossiers. Si la mission qui se présente n'est pas comprise, elle n'est pas traitée. " Un mauvais allemand vaut dans ce cas mieux que simplement l'anglais" : c'est la conclusion que Pogarell a tirée de son expérience dans les entreprises allemandes.

Un porte-parole de Porsche enfonce encore le clou : "Bien sûr, nous sommes tous obligés de maîtriser l'anglais pour agir à l'international. Mais c'est bien notre langue maternelle qui fait véritablement notre force."

Stimuler l'imagination : tout, particulièrement dans les sections "développement", il s'agit d'imagination, d'acuité de la pensée, de compréhension sans faille. L'inventivité des ingénieurs est à son maximum dans la langue maternelle, dit-on chez Porsche. Il ne faut en aucun cas la freiner.

Sa réussite donne raison à l'entreprise, qui a enregistré en 2007 un record de licences en Europe et de ventes en Amérique du Nord.

D'après un sondage du"Managers Magazins", Porsche a été élue pour la huitième fois de suite  entreprise No1dans l'estime des Allemands.

D'autres firmes, telle Eon-Westphalie-Weser, font systématiquement le pari de la langue allemande. L'entreprise a même établi un programme dans ce sens pour ses collaborateurs.

Toutefois la plupart des firmes tendent à" l'anglicisation". De nombreuses entreprises anglicisent même leur nom comme, par exemple, BMW Group, Post World Net allemand ou Mobility Network Logistics des chemins de fer allemands.

Siemens dénomme désormais ses secteurs : Power Generation, Automation Technologies ou Lighting. De même à la BASF, où le président du directoire Jürgen Hambrecht s'efforce depuis le 1er janvier 2008 de donner aux différents domaines de l'entreprise des dénominations anglaises sans proposer pour autant d'équivalents en allemand.

Ainsi les cinq segments qui s'intitulaient autrefois produits chimiques, plastiques, produits d'affinage, protection de la flore / alimentation,et pétrole / gaz, sont devenus les six nouveaux secteurs : Chemicals, Plastics, Functional solutions, Performance Products, Agricultural Solutions et Oil and Gas. "Comical Company" : plus d'un a ironisé en n'appelant plus la BASF "The Chemical Company" mais simplement "The Comical Company".

Car ce sont justement les collaborateurs qui ont des problèmes avec le nouveau vocabulaire. Ainsi un employé du journal interne de la BASF écrit qu'il a"du mal" avec lesnouvelles dénominations.

Le linguiste d'entreprise Pogarell  considère cette mode de l'anglais comme plutôt nuisible et déconseille de la favoriser, ne serait-ce que pour des raisons d'image. "Car le "Made in Germany"  demeure une solide garantie de vente." Les linguistes observent des problèmes supplémentaires. Comparé à l'anglais normal, c'est la plupart du temps ce qu'on a appelé le Bad Simple English (BSE) qui se développe dans les entreprises allemandes, à savoir un anglais plus simple,souvent défectueux. C'est ainsi que le BSE comporte, en particulier au niveau des relations de travail, du fait de son caractère défectueux, un risque de malentendus susceptibles d'avoir des conséquences fatales.

Le supermarché Wal-Mart est l'exemple le plus probant de l'échec de l'anglais. Forte de ses plus d'un million de collaborateurs, la plus grande chaîne de produits alimentaires  internationale est arrivée au milieu des années 1990 sur le marché allemand. Dès 2007, le groupe américain a dû fermer ses filiales en Allemagne- enregistrant par là d'énormes pertes.

Reiner Pogarell a analysé en détail le développement de Wal-Mart et est sûr du constat : "trop d'anglais".

Wal-Mart fit venir des directeurs de magasins américains. L'ensemble du management, à partir des directeurs de filiales, devaient obligatoirement parler anglais. Il s'en suivit  un hiatus entre les niveaux supérieur et inférieur de l'entreprise."Les réclamations n'étaient, par exemple, pas transmises, parce qu'elles devaient être formulées en anglais."

Peu à peu c'est la motivation des collaborateurs qui a commencé à flancher et, à la suite, celle des clients.

En tout cas, Porsche reste convaincue qu'il faut s'en tenir à la langue allemande. A Stuttgart, c'est sans le moindre stress qu'on observe le voisin Daimler qui, ne serait-ce qu'à cause de sa coopération avec le constructeur américain Chrysler, a fait de l'anglais la langue du groupe."Pas de ça chez nous", proclame-t-on chez Porsche.