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L'Europe entre Plurilinguisme et Multilinguisme: l'analyse de M.me M.C. Luise

Source: Flore.unifi.it, 2013

Traduction par: Francesco Maria Froldi

 

 

Plurilinguisme et Multilinguisme en Europe

pour une Education plurilingue et interculturelle

Maria Cecilia Luise

Université de Florence

Abstract:

Cet article propose une introduction générale aux politiques linguistiques poursuivies par les Institutions Européennes, des politiques qui cherchent d’une part à aboutir aux meilleures définitions de termes tels que le plurilinguisme, le multilinguisme, le bilinguisme et de l’autre, grâce aux efforts de l’UE, de prendre en compte les particularités et les avantages du multilinguisme soit pour l’individu, soit pour la communauté. Selon la littérature spécialisée les avantages cognitifs, psychologiques, culturels, éducatifs, sociaux et économiques sont étroitement liés au multilinguisme. Ce dernier, il est également décrit en termes de compétence plurilingue et interculturelle dans le Cadre Commun Européen, la plus importante ligne directrice européenne pour l'apprentissage et l'enseignement des langues. La compétence plurilingue et interculturelle en tant que répertoire pluriel de connaissances, de compétences et de ressources transversales linguistiques et culturelles, est l'objectif de l'éducation plurilingue et multiethnique : on se concentrera sur le développement personnel, les besoins des apprenants, les capacités linguistiques et interculturelles destinées à la la formation non d’un simple « locuteur natif » mais d’un « locuteur interculturel ».

 

  1. La politique linguistique Européenne, entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe 

Tant pour l'UE que pour le Conseil de l'Europe, l'un des facteurs clés de l'identité du vieux continent est la diversité linguistique comprise comme la valeur à défendre et à promouvoir. L'Union européenne développe ses politiques de protection et de promotion linguistique pour des raisons d'identité culturelle et parce qu'elle estime qu'une société multilingue est plus riche et solidaire à la fois socialement et économiquement (British Council 2012, 13). Depuis sa création en 1949, le Conseil de l'Europe fait la promotion des droits de l'homme et de la démocratie, des valeurs qui sont également à la base de sa politique linguistique, à travers des accords, des recommandations et des outils techniques (ibid., 15). En général, tout au long de ces dernières décennies, les institutions européennes, en matière de plurilinguisme (Luise in Baldi, Borello, Luise 2013, 141-142), se rattachent :

  • à la défense des langues minoritaires et régionales, des dialectes, des communautés qui parlent une langue différente de celle des pays membres, des langues nationales moins répandues et avec un nombre réduit de locuteurs natifs, une défense qui contredit/croise les processus naturels d'évolution, de diffusion, de contraction, de disparition des langues au sein des sociétés humaines ;

- au développement des LS, à travers «l'homogénéisation» des compétences des citoyens européens dans une lingua franca, c’est-à-dire la diffusion de l'anglais principalement à travers les systèmes éducatifs formels, mais aussi l'ajout d'au moins une autre langue étrangère au profil des locuteurs européens : c'est la formule dite «formule trilingue», langue maternelle plus deux, établie en 2002 par «l'objectif de Barcelone»;

- à la promotion de la diversité linguistique et l'augmentation des compétences en langues étrangères pas seulement européennes des étudiants européens, et au-delà de la lingua franca anglaise ; ces compétences sont poursuivies / développées par une exposition de plus en plus précoce à l'école, par la diversification de l'offre linguistique des systèmes éducatifs et grâce au soutien à des opportunités de mobilité internationale pour les étudiants et les enseignants.

Au sein de cette dynamique politique et culturelle désormais ancrée en Europe, ce qui reste dans l'ombre, c’est l’aspect linguistique qui va être de plus en plus important, présent et visible dans les sociétés des pays membres : la présence des langues maternelles et ethniques des millions d'immigrants, citoyens désormais établis dans le vieux continent. La défense du multilinguisme et la promotion des compétences en langues étrangères ne peuvent pas être ignorées en attendant qu'une assimilation linguistique « naturelle » les fasse disparaître, ou bien en laissant aux communautés d'immigrants ethniques le défi de s’organiser pour le maintien de la langue maternelle.

Une clarification terminologique est nécessaire selon l’avis de la recherche scientifique et des documents européens. Dans la doctrine, on établit une distinction entre le plurilinguisme et le multilinguisme : le premier fait référence aux compétences individuelles liées à la capacité de quelqu’un d'apprendre et d'utiliser plusieurs langues , tandis que le second concerne le phénomène de la multiplicité de codes de communication du point de vue non pas de la personne, mais de la société. Le multilinguisme se réfère à la présence dans une même communauté de plusieurs langues qui sont mises à la disposition des locuteurs, même si elles ne sont pas nécessairement connues et utilisées par tous les locuteurs. Les deux perspectives ne distinguent pas et néanmoins préfèrent une langue plutôt qu’une autre. Dans les documents du Conseil de l'Europe, cette distinction est toujours présente, alors que pour l'UE les deux termes sont considérés comme réunis sous le terme du multilinguisme : « Le terme du multilinguisme désigne à la fois le fait de parler des langues différentes dans une région géographique donnée et la capacité d'une personne de parler plusieurs langues "(Eurobaromètre 2006, 243). Le mot « plurilinguisme » tend aujourd'hui à remplacer le terme de bilinguisme, pour souligner qu'un individu ne connaît pas nécessairement deux langues «seulement» et que, enfin les caractéristiques sociales et cognitives de ceux qui connaissent deux langues sont les mêmes que celles qui en connaissent plus de deux.

  1. Les avantages du multilinguisme pour la société européenne : identité, culture, éducation et économie

L’un des éléments centraux de l’Europe du future c’est le multilinguisme : les Institutions européennes pointent et investissent dans la naissance et dans la croissance d'un citoyen européen qui est conscient de ses particularités linguistiques et culturelles et au même temps ouvert au dialogue avec d'autres langues et cultures, ce dernier à « construire » d’abord par des programmes d'éducation et de formation. Le multilinguisme caractérise donc différents aspects de la société européenne : identitaire, interculturel, éducatif, économique. Depuis le traité de Rome la diversité linguistique et culturelle est un élément constitutif et distinctif de l'Europe et de son identité, c’est une valeur qui va différencier le vieux continent du modèle d'homogénéisation des États-Unis. L'Union européenne est fondée sur «l'unité au sein de la diversité» : diversité des cultures, des usages, des coutumes et des croyances et des langues [...]. C'est justement cette diversité qui fait de l'Union européenne ce qu'elle est aujourd’hui : pas un «creuset» où les différences se confondent, mais une maison commune où on va célébrer la diversité et où nos nombreuses langues maternelles représentent une source de richesse et servent comme à faire de pont vers une plus grande solidarité et une majeure compréhension mutuelles. (Commission Européenne 2005, 2)

Même du point de vue social et culturel, la position de l'Europe en faveur du multilinguisme est claire (Eurobaromètre 243, 2006) : «L'avantage de connaître les langues étrangères est indiscutable. La langue aide à comprendre d'autres modes de vie qui, à leur tour, ouvrent la voie à la tolérance interculturelle. Les compétences linguistiques augmentent également les possibilités de travailler, d'étudier et de voyager dans toute l'Europe et permettent la communication interculturelle ".

Les aspects et les avantages sociaux et identitaires du multilinguisme ont été combinés / associés ? Ces dernières années à l'importance d'une économie multilingue : si la société prospère, c’est qu'elle est une société multilingue car une économie compétitive est une économie polyglotte, dans laquelle les entreprises peuvent se déplacer avec succès sur le marché mondial grâce aux compétences interculturelles et plurilingues de leurs employés (Borello, Luise 2011). Les avantages d'être compétent en langues étrangères, au-delà de l’anglais comme lingua franca, sont beaucoup plus grands que les seuls avantages commerciaux : la maîtrise d'une langue autre que la langue maternelle et les compétences culturelles et interculturelles qui l'accompagnent, rares/ maigres dans le cas d'une lingua franca et riches dans le cas d’une langue étrangère, stimulent la créativité et l'innovation. Conscients du fait que les problèmes peuvent être résolus différemment selon les différents contextes linguistiques et culturels, les polyglottes peuvent utiliser cette capacité qui est la leur pour aboutir à des nouvelles solutions. Les polyglottes offrent donc au monde du travail et aux entreprises des caractéristiques fondamentales telles que la flexibilité et le savoir-faire (Commission européenne 2009). Enfin, l'action en faveur du développement du plurilinguisme vise la formation et l'éducation linguistique. L'intervention européenne à cet égard est principalement basée sur :

- l’approche précoce des langues, donc l'enseignement des langues étrangères depuis le plus jeune âge : inclusion des langues dans les curricula depuis l'école maternelle, formation et mise à jour des enseignants, recherche et diffusion de méthodologies et de technologies éducatives adaptées aux enfants ;

- L'éducation permanente visant à l’implication de l’individu dans son ensemble et au fait que chaque expérience peut devenir une possible source d'éducation, résumée dans les expressions anglaises Lifelong Learning et Lifewide Learning. La formation et l'apprentissage tout au long de la vie sont les conditions essentielles pour exercer une citoyenneté active et démocratique comprise comme participation, implication et engagement dans le tissu social, connaissance de ses droits et exercice de ses devoirs, qui, dans une société multilingue et multiculturelle, nécessitent certaines compétences linguistiques et interculturelles qui peuvent être renforcées et développées dans le cadre d'un projet d'apprentissage permanent (Luise 2012).

Le chemin tracé est celui qui mène à la réalisation d'une approche inclusive du multilinguisme (Commission Européenne 2008), «visant à étendre le contexte du multilinguisme à la cohésion sociale et à la prospérité, c'est-à-dire promouvoir les entreprises connues, y compris les petites et moyennes entreprises, la compétitivité commerciale, l'employabilité et l'intégration, le bien-être et les activités récréatives dans la vie quotidienne et dans le milieu qui nous entoure ».

  1. La compétence plurilingue et interculturelle

Les récents documents européens qui traitent des langues, notamment le Cadre Commun Européen de référence pour les langues, vont ajouter une nouvelle spécificité au plurilinguisme compris comme la maîtrise d'un répertoire de compétences linguistiques diversifiées en plusieurs langues, en l’intégrant en plus au concept de compétence plurilingue et interculturelle, définie comme:

[...] l'aptitude d'une personne en tant que sujet social à utiliser des langues pour communiquer et prendre part à des interactions interculturelles, dans la mesure où elle est capable, à différents niveaux, de maîtriser des compétences dans plusieurs langues et des expériences dans de multiples cultures. Cette compétence ne consiste pas dans le chevauchement ou dans la juxtaposition de compétences distinctes, il s'agit plutôt d'une compétence complexe ou même composite sur laquelle le locuteur peut s'appuyer. (Conseil de l'Europe 2002)

La compétence plurilingue fait référence aux moyens acquis grâce à la connaissance que le locuteur a de plusieurs langue (compétence plurilingue), et relatifs aux cultures liées aux langues en question (compétences pluriculturelles). La compétence interculturelle permet de « comprendre l'altérité, d'établir les liens cognitifs et affectifs entre les précédentes et les nouvelles expériences d'altérité, de faire la médiation entre les membres de deux ou plusieurs groupes sociaux et entre leurs cultures et, enfin, de questionner sur les éléments fondant leur groupe culturel et leur contexte social » (Beacco et al. 2010, 13). C’est un modèle qui s’éloigne de la vision traditionnelle, désagrégée, en compartiments séparés/ compartimentée, de la compétence des personnes à l’égard des langues et des cultures (Candelier 2012): la compétence plurilingue et interculturelle n’est pas la somme de plusieurs monolinguismes, mais un répertoire de compétences et habiletés/savoir-faire linguistiques dans lequel les connaissances inégales, asymétriques, en constante évolution, de plusieurs langues contribuent à l'élaboration de stratégies cognitives stables et communes grâce à plusieurs processus reliés entre eux. Ces processus d’ailleurs peuvent être utilisés avec toutes les langues appartenant au profil de l'orateur et celles qui en feront partie aussi, selon différentes manières et configurations. Ainsi donc ceux qui ont des compétences plurilingues et interculturelles ne sont pas ceux qui parlent plusieurs langues, ce ne sont pas non plus ceux qui atteignent le niveau C2 dans une ou plusieurs langues étrangères, mais ceux qui savent comment utiliser différentes langues à différents niveaux de compétence, dans les contextes appropriés et pour leurs propres besoins de réalisation, et qui savent utiliser leurs connaissances linguistiques, culturelles et interculturelles et leurs stratégies linguistico-communicatives afin de donner une signification aux nouveaux textes et situations abordés.