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Réflexions sur les langues comme laboratoire des réformes de l'éducation actuelles (Médiapart)

9 juin 2019 Par Alexandra Sippel Blog : Le blog de Alexandra Sippel

L'avenir de l'enseignement des langues, ou en langues étrangères est symptomatique de ce qui se profile pour les élèves, les enseignants, et au-delà, la société de demain.

Les langues vivantes, aux avant-postes des réformes de l’enseignement français.

Si maîtriser plusieurs langues vivantes est la norme dans la plupart des pays du monde[1], ça ne l’est pas dans nos pays d’Europe occidentale. Bien sûr, de nombreux enfants grandissent dans des familles où l’on parle au moins une autre langue en plus du français[2], mais l’apprentissage des langues vivantes reste en France l’un des défis que les élèves doivent relever à l’école, puis au collège et au lycée. Le bilinguisme, voire le plurilinguisme, est un avantage non négligeable pour un individu. Outre qu’il permet au cerveau de créer davantage de connexions cérébrales[3], il représente également un « avantage concurrentiel », économique et social puisque de nombreuses entreprises sont enthousiastes à l’idée d’employer des personnels capables de communiquer aisément avec leurs partenaires, ou futurs partenaires, à l’étranger. Et les faits sont têtus, qui nous rappellent régulièrement que les petits Français (et leurs parents) sont moins bons en langues étrangères (singulièrement en anglais) que les jeunes des autres pays non-anglophones du nord de l’Europe par exemple[4]. Les gouvernements successifs s’engagent donc à permettre aux jeunes de mieux apprendre les langues étrangères, en particulier les langues « utiles » aux activités économiques avec nos partenaires européens (anglais, espagnol et allemand) ou émergents/mondiaux (chinois, japonais). Je laisserai délibérément de côté la question des langues maternelles des communautés minoritaires, et en particulier de l’arabe, qui ne s’inscrivent pas directement dans mon propos, et ce même si certains membres du gouvernement actuel ont évoqué la possibilité de renforcer leur enseignement[5]. Alors que les accords de libre-échange se multiplient à un rythme rapide, et malgré les doutes qui pèsent sur certains (avec le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, le Canada, les Etats-Unis, sans même parler de l’UE), il semble évident que tous les pays ont besoin d’un vivier de bons locuteurs de langues étrangères. D’autre part, le développement de l’intelligence artificielle, qui implique la multiplication des logiciels de traduction aux résultats algorithmiques pour le moins contestables, une capacité à finement maîtriser la langue et à comprendre la culture des locuteurs natifs de ces langues est une compétence précieuse. C’est qu’une langue n’est pas qu’une langue : l’anglais britannique et l’anglais américain sont à peu de chose près similaires en termes syntaxiques, en revanche, on ne s’adressera pas à un interlocuteur américain de la même manière qu’à un Britannique, de la même manière qu’on ne parlera pas à un Espagnol de la même façon qu’à un Argentin. Churchill, jamais avare de bons mots, affirmait que les Anglais et les Américains sont séparés par une langue commune. Au-delà des codes linguistiques, ce sont donc les codes culturels qu’il convient de comprendre. La littérature, l’Histoire, les comptines, les histoires du soir, le sens de l’humour, toutes façonnent l’état d’esprit d’un locuteur. C’est donc à tous ces aspects que recourt l’enseignement des langues, en se complexifiant bien sûr au cours de l’apprentissage, passant de la comptine à l’école élémentaire, à des extraits d’œuvres littéraires plus exigeantes au lycée. Même dans une perspective purement mercantile, qui n’est pas la mienne car je crois que l’enseignement des langues et des cultures étrangères contribue au développement intellectuel et citoyen des enfants et des jeunes, être capable de se mettre à la place de son partenaire commercial est indispensable. De nombreuses études montrent que les techniques de vente se basent sur l’imitation de la personne que l’on cherche à convaincre dans les attitudes physiques[6]. Ce qui est vrai du mimétisme physique l’est sans aucun doute également de la capacité à imiter les codes culturels de son interlocuteur[7]. Les compétences en langues étrangères, et particulièrement en anglais, la langue véhiculaire mondiale de notre époque, sont des talents recherchés.
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