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Pentru egalitatea in drepturi a limbilor europene si a vorbitorilor lor,

Pentru egalitatea in drepturi a limbilor europene si a vorbitorilor lor, compte rendu des Assises dans le journal virtuel roumain Craiova Virtuala par Dana-Marina Dumitriu

 
Pour l'égalité en droit des langues et des citoyens européens qui les parlent

Dana-Marina Dumitriu

Les travaux de la première rencontre européenne des chercheurs, traducteurs et facteurs politiques et économiques consacrée à l'Europe plurilingue et aux implications socio-économiques et éducationnelles du plurilinguisme ont pris fin, mais les échos se font toujours entendre parmi les participants et les responsables européens chargés de trouver une solution viable pour assurer l'équilibre entre la liberté d'expression de l'individu et son besoin de communication. Equilibre, par conséquent, entre le plurilinguisme définitoire d'une Europe garant de l'égalité des langues et des nations, et la dominance d'une langue officielle – l'anglais, langue maternelle d'environ 13% des Européens – menaçant non seulement l'affirmation des autres langues, mais aussi la diversité culturelle et renforçant même la tendance d'imposer un modèle américain.

 

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Dans un interview accordé à la fin de ces travaux, M. Christian Tremblay – président de la commission d'organisation des Assises du plurilinguisme avouait: „A un certain moment nous nous sommes posé la question : qu'est-ce qui est le plus important? Est-ce de se communiquer l'ensemble des politiques des organismes européens ou est-ce qu'il s'agit de travailler vraiment sur ce qu'on peut appeler les fondamentaux? Et c'est comme ça que nous nous sommes rendu compte que le problème des langues – et ce n'est pas le seul – est un problème des plus considérables. Parce que c'est un problème qui embrasse tous les aspects d'une culture qui ont été historiquement – qu'on le veuille ou non – négligés au niveau européen.”

Les sujets abordés lors de cette rencontre ont été variés: de la relation entre la langue et l'identité européenne (Sean O'Riain – Représentation Permanente de l'Irlande auprès de l'UE à Bruxelles), à l'imaginaire européen commun (Jacques Darras, Université de Picardie) et le problème des langues „faibles” et des langues „fortes” dans l'UE (Efi Savva, Université de Corfu), de la nécessité du plurilinguisme dans les activité économiques et culturelles (Margarete Riegler-Poyet – chef du service „formation” de la Chambre Franco-Allemande de Commerce et Industrie) aux défis des textes plurilingues (Dana-Marina Dumitriu, Université de Craiova) et le tribut que la recherche scientifique paie à la langue unique (Charles-Xavier Durand – Institut de la Francophonie pour l'Informatique, Hanoï). Tous ces sujets ont trouvé une place importante dans ce congrès du plurilinguisme qui a pris la décision d'élaborer une Charte du plurilinguisme, à laquelle chaque participant a apporté sa contribution soit par la conférence soutenue soit par les idées défendues lors des débats.

Une idée très importante a été celle de l'égalité de représentation des langues dans les organismes communautaires et dans la vie sociale et scientifique. L'on a parlé du désaccord entre la politique de l'UE de promotion du plurilinguisme et la pratique de ses organismes qui publient de plus en plus des documents uniquement en anglais ou posent comme condition d'embauche la nationalité anglaise. L'on a parlé du droit à la langue comme droit fondamental de l'homme, du Rapport Grin 2005 et de ses conclusions concernant les effets économiques de la dominance de l'anglais et des pertes causées aux autres états et à l'Europe. On a remis en discussion la proposition de la langue esperanto comme langue européenne et on a présenté la politique de promotion de cette langue menée par des personnalités contemporaines dont Pape Jean-Paul II et les média.

M. Charles-Xavier Durand – directeur de Institut de la Francophonie pour l'Informatique, Hanoï – a insisté sur la marginalisation de la science actuelle si les résultats ne sont publiés en anglais et sur les risques d'une telle option : “Publier en anglais signifie que l'on accepte les critères fixés par les Anglo-saxons pour la présentation et l'évaluation des résultats, que l'on accepte implicitement le système de citations et que l'on souscrit aux facteurs d'impact. Dans ce processus, les scientifiques de la zone périphérique (à l'extérieur des pays anglo-saxons) doivent aligner leurs objectifs de recherche sur les sujets à la mode, dans des domaines connexes de ceux sur lesquels leurs évaluateurs potentiels travaillent. Leur travail apparaît donc de plus en plus dans le sillage des travaux des véritables novateurs, qui sont, eux, au centre du système et qui choisissent les sujets et déterminent les tendances. En conséquence, les chercheurs des zones périphériques se mettent à suivre ce qui se passe au centre et n'innovent plus. L'avancement professionnel va à ceux qui sont donc les plus conformistes. Le travail des scientifiques de la zone périphérique ajoute de moins en moins de valeur à la recherche faite par le centre et les plus compétents se détournent de la recherche scientifique. C'est exactement ce qui se passe actuellement en France avec la recherche universitaire, totalement alignée sur la science anglo-saxonne et, dans une moindre mesure, avec celle qui se fait au CNRS et dans les autres grands laboratoires financés par l'Etat. La créativité réelle est en rupture des traditions, s'oppose au conformisme et ne peut pas se mouler dans des contraintes artificielles sans perdre l'essentiel de sa force. Il ne fait aucun doute que le déclin en qualité de la recherche universitaire en Europe continentale est liée au remplacement progressif de talents exceptionnels par une nouvelle génération de suiveurs, dont l'émergence est liée à la nécessité de publier en anglais et d'accepter des règles définies au sein d'une autre socio-culture scientifique qui a, pour le monde qui lui est extérieur, l'effet d'une camisole de force sur le plan intellectuel.”

L'idée est développée aussi par le chargé du projet „Langue française, francophonie et diversité linguistique” de l'Agence Universitaire de la Francophonie, M. Patrick Chardenet: “En fait, de façon assez paradoxale, on peut estimer qu'une science, des sciences, qui serai(en)t développée(s), produite(s) et diffusée(s) dans une seule langue arriverai(en)t finalement à se marginaliser. Puisque, comme on l'a dit à plusieurs reprises dans cette tribune, les sciences, les savoirs se produisent à partir des contextualisations, à partir des éléments qui tendent vers l'universel, mais à partir de contextualisations et si l'on empêche ces contextualisations par l'importation d'une langue hyperdominante on risque d'amoindrir la qualité de la production scientifique. Par exemple, il me semble que si on avait eu une seule langue dans le monde depuis les millénaires, on n'aurait pas connu la médecine chinoise qui est radicalement différente conceptuellement de la médecine occidentale.”

Après avoir exprimé son contentement de constater que le plurilinguisme ait été abordé sous différents aspects, Mme Marie-Josée de Saint-Robert – chef du service linguistique, Office des Nations Unies à Genève - formule une première conclusion concernant la politique de l'Europe pour l'avenir, à savoir: imposer l'enseignement de l'anglais comme deuxième langue étrangère pour laisser ainsi la possibilité à une autre langue vivante de s'affirmer comme première langue étrangère en Europe et dans le monde.

A la question „Qu'est-ce qu'une littérature écrite dans une langue faible peut apporter à l'identité européenne et à l'imaginaire commun?”, le diplomate irlandais Sean O'Riain a répondu: “Je trouve que ça peut beaucoup apporter; je parle une langue faible moi-même: l'irlandais [...] qui a développé une littérature qui date depuis le 5e siècle. C'est une richesse que chaque parti politique consent valoriser en cultivant l'irlandais à l'école à tous les niveaux. Nous avons besoin d'une langue commune, mais elle ne doit pas être dominante. Nous nous dirigeons de plus en plus vers l'anglais et cette option c'est une bonne chose parce qu'elle facilite la communication. En même temps, c'est une mauvaise chose puisqu'elle pousse les autres langues – y compris l'allemand – vers un coin d'ombre.

Une autre idée qui a suscité l'attention des participants a été celle de la stratégie éducationnelle.

Dans son intervention, M. Gérard Links, chargé de mission, Ministère français de l'Education Nationale, DRIC bureau des affaires communautaires, rappelait le fait qu'il y a aujourd'hui en Europe 300 langues, dont 40 sont parlées par plus d'un million d'Européens et 20 langues nationales. Comment gérer une telle richesse? Comme établir une communication au-delà des barrières linguistiques, basée sur tolérance, respect mutuel et respect des différences linguistiques et culturelles? Quelles stratégies éducationnelles doit-on développer dans un monde où le temps devient un facteur d'apprentissage déterminant qui jette dans l'anachronisme l'approche des langues étrangères par progression linéaire et extensive par niveaux de langues? La réponse est à chercher dans le cadre européen commun de référence pour les langues, qui introduit la notion de seuil de compétence linguistique, et en donne une définition en fonction des objectifs de l'apprentissage. Le ministre français propose même le renoncement à la dissociation artificielle entre langue et culture et une approche convergente des deux disciplines: “Le moteur d'apprentissage entre la culture maternelle et la langue/culture cible sera basé sur les écarts culturels entre les différentes sociétés. En dépassant les nombreux stéréotypes l'apprentissage des cultures permettra d'apprendre à mieux se connaître et donnera plus de sens à la pédagogie des échanges. Cette approche rendra l'apprentissage des langues tant en formation initiale que continue plus attrayante et encouragera à plus de pratiques en dehors des systèmes d'éducation et de formation. Mieux ouverts aux évolutions des sociétés et aux différentes idées, les langues seront ainsi de meilleurs outils aux services des personnes et de leur employabilité. L'enseignement des langues et des cultures favorisera alors d'autant mieux la dimension clé de l'éducation et de la formation qu'est la préparation à la citoyenneté active.”

La mobilité est en étroite relation avec la reconnaissance et l'équivalence des diplômes d'études. Malheureusement, les projets élaborés et appliqués dans cette direction ont perdu de vue le problème linguistique le laissant dans la charge des organismes extrascolaires. Le représentant du Ministère de l'Education du land Nordrein-Westfalia, Mme Henny Roenneper vient dans la rencontre des certificats Toefl, Cambridge Esol, International Baccalaureate Diploma, Delf et Dalf avec le projet d'un baccalauréat européen plurilingue .

Les débats assez longs et fructueux, surtout quand il s'agissait des implications économiques du plurilinguisme, ont souligné le fait que cette manifestation aurait dû s'étendre sur une semaine.

En guise de conclusion, nous reproduisons un fragment de l'interview accordé par M. Xavier North – Délégué Général à la Langue Française et aux Langues de France, porte-parole du Ministre de la Culture et Communication de la République Française – à l'occasion de la réalisation du film documentaire “Assises du plurilinguisme”:

“Je suis très heureux d'avoir eu l'occasion de clore ces deux journées de débats sur le thème central du plurilinguisme. C'est un grand honneur pour moi de le faire à la place du Ministre de la Culture et de la Communication – M. Donnedieu de Vabres – qui y est particulièrement sensible. Il a eu l'occasion de l'affirmer récemment en Roumanie, à l'occasion d'un voyage à Bucarest, où il est allé inaugurer une très belle exposition d'art français; il y a tenu à rencontrer et à saluer les professeurs de français à Bucarest pour marquer notre attachement à cette soeur latine qu'est la Roumanie et qui fait d'ailleurs, elle aussi la preuve de son attachement au plurilinguisme puisqu'on sait que le français, parmi d'autre langues, continue à y être part.

Alors, les Assises qui nous réunissent aujourd'hui avaient vocation à rassembler un grand nombre de représentants de ce qu'on appelle la société civile, c'est à dire: des syndicalistes, des administrateurs, des représentants des gouvernements étrangers, des directeurs d'instituts culturels, ambassadeurs, etc. Il s'agissait en fait pour les organisateurs de rassembler des propositions. Pourquoi rassembler des propositions aujourd'hui sur ce thème? Simplement parce que si nous sommes d'accord aujourd'hui sur les finalités et le diagnostique, c'est-à-dire sur la nécessité de construire une Europe sur la diversité de ces langues, de construire une Europe qui ne base pas le progrès de son unité sur les atteintes de son identité culturelle fondée sur la diversité – si nous sommes donc d'accord sur ces objectifs, il faut aussi les atteindre. On doit se donner les moyens de les atteindre. C'est ce que notre ministre voulait dire aujourd'hui. C'est, sans doute, définir un cadre stratégique, une politique européenne de la langue.

Nous, les Français, nous sommes un peu coupables, parce que nous avons la tendance de centrer notre effort sur la promotion du français en Europe. Mais aujourd'hui la promotion du français en Europe est inséparable de la défense du plurilinguisme. Il faut accompagner notre travail de promotion du français – que nous continuons à déployer dans tous les pays, y compris la Roumanie – d'une politique européenne de la langue dont nous espérons que les résultats seront reconnus par nos partenaires. A notre avis, cette politique européenne de la langue doit reposer sur trois notions-clés, sur trois notions fondamentales: traduire, parler, comprendre. Traduire parce que c'est la traduction qui est au coeur de l'Europe. Umberto Eco le disait très bien: la langue de l'Europe c'est la traduction. Si nous voulons organiser la coexistence des langues en Europe, il faut organiser aussi le passage incessant d'une langue à l'autre. Or, comment passer d'une langue à l'autre? Par traduction. Traduire donc. Et bien entendu, il faut aussi parler. Parler la langue de l'autre, apprendre les langues étrangères. Si c'est possible, deux langues étrangères dans le système éducatif. L'Union Européenne en a fait sa devise, mais le chemin est encore long à parcourir. Et il y a aussi la troisième voie, très intéressant à explorer que je nommerais par le mot comprendre. Il ne faut pas rêver: nous ne serons pas tous polyglottes en Europe. Personne ne parlera 24 langues. Ni même 20, ni même 15, ni même 5. Enfin, très peu d'entre nous. Il faut donc traduire, mais il faut aussi développer une forme d'intercompréhension, entre des langues latines, entre des langues slaves, entre des langues germaniques. L'intercompréhension qu'est-ce que c'est? Je le résumerais dans une phrase, c'est d'ailleurs celle que prononce notre ministre M. Donnedieu de Vabres lorsqu'il a à s'exprimer sur les langues en Europe. Il dit souvent: être Européen c'est parler sa langue et comprendre celle des autres.”

Article de Dana-Marina Dumitriu

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