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Notre hommage à Charles Aznavour

Faut-il ajouter quelque chose aux hommages qui ont été rendus à Charles Aznavour venant de tous les horizons politiques et non seulement de France mais du monde entier ?

Tout a probablement été dit et écrit.

Au-delà de l’admiration, de l’affection, qui sont de l’ordre de l’intime, et qui touchent des dizaines de millions de personnes, il faut raccorder Aznavour à ce qui a trait aux idées et aux principes qui justifie l’action d’information, de connaissance et de conviction que nous menons, nous l’OEP et tous ses partenaires.

Disons d’abord qu’Aznavour avait une notion très subtile de l’identité et il l’a bien expliqué.

Il avait un attachement viscéral à la patrie dans laquelle il est né et qui a accueilli ses parents qui ont fui l’horreur.

Mais pour autant, il n’a pas renié les liens affectifs qui la rattachaient à la terre de sa famille.

Il sait ce que veut dire intégration, non par la voie seule des idées, mais de manière charnelle par l’expérience de la vie. Il a le sens des racines, mais sans sacrifier le présent.

Il le dit très bien et d’une manière émouvante et que tout le monde peut comprendre. «J'ai abandonné une grande partie de mon arménité pour être français… Il faut le faire. Ou alors il faut partir.» « Quand on est pauvre, fils d’immigrants, d’apatrides, il faut sortir de sa condition. Et la tête haute. » Il assume totalement sa double identité en portant chacune à un très haut niveau d’exigence.

Aznavour a par ailleurs une conception très élevée du pouvoir de la langue et chez lui, les mots ont une intensité, un poids qui touche au plus intime de chacun. La langue est à la fois le moyen de communiquer avec l’autre, mais elle est en même temps non une source d’épanouissement personnel, comme on dirait aujourd’hui, mais plutôt pur accomplissement.

Enfin, le respect pour la langue lui donne le respect pour les langues. En tant que chanteur français, il a donné un grand rayonnement à la chanson française et a contribué à celui de la langue française. Rares sont les chanteurs français à être reconnus aux États-Unis et dans le monde anglophone. Outre son talent, sur lequel il est inutile d’insister, il a toujours eu le souci d’être compris. C’est pour cela qu’il s’est passionné pour les langues, qu’il en a appris 4 en plus de sa langue maternelle, le français et la langue de ses parents, et qu’il a traduit ses chansons et les a interprétées quand il le pouvait dans la langue des pays où il se produisait.

En parlant à tout le monde et à chacun des choses de la vie, il a su donner à chaque expérience individuelle une dimension universelle.

Grand ambassadeur de la francophonie et du plurilinguisme, Aznavour, qui n’avait pas peur du métissage musical et culturel, est une pure expression de la culture française dans ce qu’elle a de meilleur.

L’évocation de la culture française par le président de la République a fait couler beaucoup d’encre, alimentée de railleries, sarcasmes et propos indignés, sans souci des paroles réellement prononcées. Il est bon de le citer, tant il exprime exactement, dans la tradition des Lumières, ce qu’est Aznavour, grande figure internationale de culture française :

« Nous devons aussi retrou­ver l'intelligence de ce qui, dans notre roman national, nous vient d'ailleurs. Le projet national français n'a jamais été un projet clos : il a été un projet de conquête mais aussi le récipient d'influences variées venues du monde entier - il n'est pas de France sans influences italiennes, espagnoles, anglaises, allemandes, et plus tard orientales, maghrébines, africaines, américaines, asiatiques. Notre culture s'honore d'être le fruit de ce syncrétisme, c'est pourquoi j'ai dit qu'il n'y avait pas une culture française : elle ne s'est jamais construite dans la poursuite imaginaire de racines populaires définissant une culture nationale - contrairement par exemple à ce que firent les Allemands de Herder à Heidegger -, mais dans l'ouverture au grand large, dans la confrontation avec l'ailleurs. La culture française laisse à l'Autre une place immense et c'est ce qui la rend si riche : c'est par essence une culture du dialogue, de l'accueil, de l'intelligence du monde. La culture française est une parce qu'elle est diverse, comme l'est notre histoire. Voilà tout ce que l'Éducation nationale a pour mission de transmettre. » (Extrait du n° hors série d'avril 2017 de la revue Histoire)

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