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Les petites entreprises ont-elles besoin d’être multilingues ?

Les États-Unis sont en train de négocier l’intensification du libre-échange avec l’Europe et certains pays du Pacifique, dans le but d’augmenter les exportations vers ces régions. Mais avant que cela ne profite aux petites entreprises américaines et qu’elles puissent proposer leurs produits et services dans ces nouveaux marchés, elles pourraient buter sur un obstacle bien connu : les barrières de la langue.

Selon Hans Fenstermacher, le PDG de The Globalization and Localization Association (GALA), les services linguistiques représentent une industrie de 20 milliards de dollars. Pour lui, ces services sont proposés dans une grande mesure aux petites et moyennes entreprises, et permettent des exportations d’une valeur de près de 1,5 billion de dollars. C’est pour cette raison que certains pensent que l’amélioration des compétences linguistiques des entreprises américaines pourrait stimuler les exportations et réduire le déséquilibre de la balance commerciale.

Les avantages à parler plus d’une langue sont bien connus. Antonella Sorace, professeur de linguistique développementale à l’Université d’Édimbourg née en Italie, a récemment expliqué dans le quotidien britannique Financial Times que le fait de parler une autre langue est une bonne chose pour les affaires comme pour le cerveau : « embauchez plus d’employés multilingues, car ces employés communiquent mieux, ont une meilleure sensibilité interculturelle, et sont meilleurs lorsqu’il s’agit de coopérer, de négocier et d’arriver à un compromis. Et ils pensent aussi de manière plus efficace. »

Des recherches du Conseil américain de l’enseignement des langues étrangères (American Council on the Teaching of Foreign Languages) concluent que « la mondialisation augmente le besoin de main-d’œuvre américaine ayant une connaissance d’autres pays et cultures ainsi que des compétences en d’autres langues qu’en anglais… Les marchés à l’étranger représentent le plus gros potentiel de croissance pour les entreprises des États-Unis [et dans le même temps] nos propres marchés font face à une concurrence accrue de la part des entreprises étrangères, dont beaucoup fabriquent des produits sur le sol américain. »

Alors qu’avec la mondialisation le monde semble rétrécir, de plus en plus d’entreprises américaines prennent conscience qu’elles doivent s’étendre à l’international pour ne pas perdre leur marché.

Hans Fenstermacher a déclaré à notre magazine, IMT, qu’au fur et à mesure que les chaînes d’approvisionnement et les clients s’étendent progressivement à échelle mondiale, « la question de la langue devient plus importante. Un personnel multilingue peut interagir plus intelligemment avec toutes les composantes de l’entreprise et a une meilleure appréhension de quand et comment utiliser leurs compétences linguistiques professionnelles pour atteindre les buts de l’entreprise. »

Stacie Berdan, experte internationale en gestion de carrières et auteur primée, a affirmé à IMT que « la capacité de travailler entre différentes cultures n’est plus une compétence plaisante réservée aux dirigeants de l’élite ; chaque année cela devient de plus en plus nécessaire pour trouver tout type de travail, » et c’est surtout valable  pour les petites et moyennes entreprises.

Elle cite l’exemple d’un « opérateur sur machine dans une usine à Topeka (capitale de l’État du Kansas) qui exporte des gadgets à Bombay [et qui] a besoin de savoir comment interagir efficacement avec des clients indiens en visite », ou encore d’« un agriculteur en Pennsylvanie occidentale [qui] pourrait s’assurer de nouvelles rentrées d’argent potentiellement conséquentes en comprenant exactement quelles sont les qualités du ginseng américain que le marché coréen appréciera. »

Pour une entreprise, l’avantage le plus intéressant que l’on peut retirer de l’apprentissage d’une langue étrangère vient de l’appréciation et de la compréhension culturelles inhérentes à la compétence linguistique. En plus de leur capacité à communiquer, les personnes bilingues ont ce que Stacie Berdan appelle l’une des « plus importantes compétences professionnelles pour les travailleurs mondiaux aujourd’hui : une aptitude interculturelle, [qui est] la capacité d’apprécier différentes cultures et de résoudre des problèmes tout en évoluant dans un environnement différent de celui auquel vous êtes habitué. »

Les fabricants ont autant besoin de compétences linguistiques que n’importe qui. Gabriella White, chef de produit chez Innovative Language Learning, une entreprise de cours de langues en ligne pour les professionnels, basée à Tokyo, a expliqué à IMT que les fabricants, « surtout les industries technologiques, ont besoin de communiquer entre elles. L’importance [d’entretenir] des relations professionnelles au moyen d’une communication claire et fluide est souvent sous-estimée. »

Ces propos ne sont pas sans rappeler l’observation de Stacie Berdan selon laquelle ce dont pâtiraient exclusivement les affaires à l’étranger des entreprises anglophones américaines ne serait pas simplement une carence linguistique, mais plutôt un manque d’employés dotés du type d’appréciation interculturelle allant de pair avec l’apprentissage d’une langue. Pour elle, apprendre la langue locale est une preuve « de courtoisie et de respect envers le pays étranger avec lequel vous travaillez. C’est notamment important dans des endroits comme au Japon. »

Cependant, pour beaucoup, l’enseignement des langues étrangères aux États-Unis laisse les étudiants lamentablement non-préparés à l’usage de ces compétences dans des contextes culturels étrangers. Martha G. Abbott, directrice exécutive du Conseil américain de l’enseignement des langues étrangères, a expliqué à IMT qu’ « historiquement, aux États-Unis, nos cours de langue servent à mettre les étudiants au niveau demandé des conditions  ou des tests d’admission. Avant, le but de la préparation des étudiants n’était pas qu’ils puissent utiliser effectivement la langue pour communiquer.»

Cela commence à changer. Aujourd’hui, selon Martha G. Abbott, étant donné l’importance croissante de la mondialisation, les progrès technologiques, et l’usage très répandu d’internet, « il y a un intérêt beaucoup plus grand à développer la capacité des étudiants à interagir avec des personnes de langue maternelle différente. Nos standards linguistiques nationaux, pour les étudiants qui arrivent en fin de quatrième année de licence, mettent désormais en avant le développement de la compétence linguistique et culturelle des étudiants ainsi que la capacité à utiliser la langue au-dehors des murs de la classe. »

Traduction de Coline Carmignac

Source : David Sims, publié le 11 juillet 2013 dans Industry Market Trends