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Victoire spectaculaire à Gems, l'usage du français retrouvé

Publié dans le numéro 1640 du 13 décembre de "Le Peuple", journal de la CGT. 

En 1987, Thomson-Cgr (Compa­gnie générale de radiologie) de­vient General Electric Cgr. La branche équipements médicaux du groupe Thomson est cédée par Alain Gomez à Jack Welch, alors Pdg du groupe amé­ricain General electric. Très rapidement, General electric Cgr devient General electric médical Systems, l'actuel Gems. Le processus d'anglicisation est en marche, et va culminer vers la fin des an­nées 90.

A partir de 1998, les informa­tions concernant l'entreprise, les logiciels informatiques, les documents nécessaires aux salariés pour réaliser leur travail, les notices techniques, sont tous communiqués et/ou rédigés en an­glais. De 1998 à 2004, les instances re­présentatives des salariés, délégués du personnel, Chsct et comité d'entreprise abordent ce sujet régulièrement dans les réunions avec la direction. La ré­ponse reste toujours la même : «Non, pas prévu, trop cher, impossible. »

L'action syndicale

En 2004, lassés de se heurter à ces incessantes fins de non-recevoir, le syndicat Cgt, les deux Chsct et le comité d'entreprise assignent la direction de Gems devant le tribunal de Versailles pour non-respect de l'article L. 122-39-1 du code du Travail (loi Toubon). C'est une première qui va susciter aussitôt un grand intérêt des medias. Pour les élus du personnel, il s'agissait, outre de faire respecter le code du Travail, de mettre fin à une po­litique discriminante vis-à-vis des sala­riés ne parlant pas ou peu l'anglais. Parmi les documents visés, les notices techniques d'installation de matériels utilisant les rayons X, posaient des pro­blèmes de sécurité en cas de mauvaise compréhension. Plus largement, nous ne pouvions accepter que des salariés soient mis en difficulté, voire licenciés, pour le motif « anglais insuffisant », ou même tout simplement, tenus à l'écart de la marche de l'entreprise. De sur­croît, cette discrimination touchait les plus anciens et les moins qualifiés des salariés, ce qui pour nous était un fac­teur de motivation supplémentaire.

L'action en justice

Nous avons gagné, aussi bien en pre­mière instance (janvier 2005) qu'en appel (mars 2006). L'entreprise a été condamnée à payer 580 000 euros aux quatre parties civiles pour n'avoir pas traduit dans les délais impartis 58 do­cuments en infraction. Ces 58 docu­ments n'étaient qu'un infime échantillon de tout ce qu'avait à traduire la direc­tion pour se mettre en conformité. Notre action a rencontré un large mouvement de sympathie, aussi bien de la part d'associations, que de représentants du personnel d'autres entreprises. Des di­zaines de journaux, principalement de pays anglophones, la Bbc, etc. ont re­layé cette information auprès de leurs lecteurs et auditeurs.

Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Comme on pouvait s'y attendre, la di­rection de Gems s'est pourvue en cas­sation. Cependant, elle n'est pas dispensée d'exécuter l'arrêt de la cour d'appel. Le résultat pour les salariés est spectaculaire. Des moyens importants sont mis en œuvre pour réaliser les tra­ductions, avec pour conséquence, des créations d'emplois. C'est pour nous une victoire syndicale qu'il nous faut mainte­nant consolider. Nous souhaitons créer une émulation dans le monde du travail, afin que notre jurisprudence puisse ser­vir à d'autres. Dans beaucoup de cas, une simple menace d'action en justice pourrait suffire à motiver les directions d'entreprise à se mettre en conformité. Nous encourageons tous les salariés, syndicalistes et représentants du per­sonnel à se saisir de cet exemple pour faire respecter leurs droits.

Jocelyne Chabert

Syndicat Cgt Gems

LE PEUPLE N° 1640 - 13 DÉCEMBRE 2006