Publié dans le numéro 1640 du 13 décembre de "Le Peuple", journal de la CGT.
En 1987, Thomson-Cgr (Compagnie générale de radiologie) devient General Electric Cgr. La branche équipements médicaux du groupe Thomson est cédée par Alain Gomez à Jack Welch, alors Pdg du groupe américain General electric. Très rapidement, General electric Cgr devient General electric médical Systems, l'actuel Gems. Le processus d'anglicisation est en marche, et va culminer vers la fin des années 90.
L'action syndicale
En 2004, lassés de se heurter à ces incessantes fins de non-recevoir, le syndicat Cgt, les deux Chsct et le comité d'entreprise assignent la direction de Gems devant le tribunal de Versailles pour non-respect de l'article L. 122-39-1 du code du Travail (loi Toubon). C'est une première qui va susciter aussitôt un grand intérêt des medias. Pour les élus du personnel, il s'agissait, outre de faire respecter le code du Travail, de mettre fin à une politique discriminante vis-à-vis des salariés ne parlant pas ou peu l'anglais. Parmi les documents visés, les notices techniques d'installation de matériels utilisant les rayons X, posaient des problèmes de sécurité en cas de mauvaise compréhension. Plus largement, nous ne pouvions accepter que des salariés soient mis en difficulté, voire licenciés, pour le motif « anglais insuffisant », ou même tout simplement, tenus à l'écart de la marche de l'entreprise. De surcroît, cette discrimination touchait les plus anciens et les moins qualifiés des salariés, ce qui pour nous était un facteur de motivation supplémentaire.
L'action en justice
Nous avons gagné, aussi bien en première instance (janvier 2005) qu'en appel (mars 2006). L'entreprise a été condamnée à payer 580 000 euros aux quatre parties civiles pour n'avoir pas traduit dans les délais impartis 58 documents en infraction. Ces 58 documents n'étaient qu'un infime échantillon de tout ce qu'avait à traduire la direction pour se mettre en conformité. Notre action a rencontré un large mouvement de sympathie, aussi bien de la part d'associations, que de représentants du personnel d'autres entreprises. Des dizaines de journaux, principalement de pays anglophones, la Bbc, etc. ont relayé cette information auprès de leurs lecteurs et auditeurs.
Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Comme on pouvait s'y attendre, la direction de Gems s'est pourvue en cassation. Cependant, elle n'est pas dispensée d'exécuter l'arrêt de la cour d'appel. Le résultat pour les salariés est spectaculaire. Des moyens importants sont mis en œuvre pour réaliser les traductions, avec pour conséquence, des créations d'emplois. C'est pour nous une victoire syndicale qu'il nous faut maintenant consolider. Nous souhaitons créer une émulation dans le monde du travail, afin que notre jurisprudence puisse servir à d'autres. Dans beaucoup de cas, une simple menace d'action en justice pourrait suffire à motiver les directions d'entreprise à se mettre en conformité. Nous encourageons tous les salariés, syndicalistes et représentants du personnel à se saisir de cet exemple pour faire respecter leurs droits.
Jocelyne Chabert
Syndicat Cgt Gems
LE PEUPLE N° 1640 - 13 DÉCEMBRE 2006