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Un Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales pour quoi faire au juste?

Quand on crée une institution nouvelle ou réactive une institution tombée en léthargie, il faut se poser la question : "pour quoi faire ?".

C'est le cas sans aucun doute pour l'installation le 2 septembre dernier par Valérie Pécresse du Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales.

Selon une dépêche de l'AFP de juin dernier, le but est de « mettre un terme à l'incompréhension et à la méfiance » entre les enseignants-chercheurs de ces disciplines et le gouvernement. Plutôt faible comme argument et mauvais présage.

Mais depuis que la violence de la crise à fait basculer en quelques mois toutes les certitudes d'hier, d'un seul coup les humanités et sciences sociales, hier honnies, méprisées et marginalisées, deviennent une planche de salut pour les nouveaux désespérés qui nous gouvernent, hier surs d'eux-mêmes et dominateurs. Donc maintenant « L'idée est qu'il faut mettre des sciences humaines partout et ne pas les 'bunkeriser' ».

Acceptons en l'augure. Et plutôt que toujours chercher des idées prétendument nouvelles, on va se tourner vers les archives.

Il est vrai que depuis que le modèle européen et français a repris quelques couleurs au regard des merveilles que le modèle anglo-saxon vient de nous produire dans les trente dernières années de règne sans partage (lire The economist , Newsweek , the Financial Times, Time, etc.), il n'est plus déplacé de dire qu'"A l'heure de la bataille mondiale de l'intelligence, la tradition française d'excellence dans ces disciplines est un atout tout simplement exceptionnel. La France peut être fière de ses sciences humaines et sociales, fière d'être le pays de Bloch, de Febvre et de Braudel, de Lévi-Strauss, de Mauss et de Durkheim, de René Cassin et de Barthes, de Foucault, de Girard et de Derrida." Pareil discours est vraiment réconfortant et doit donner à la société française (et européenne) du courage pour affronter l'avenir.

Donc, ledit conseil est né de la volonté de "faire renaître le Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales. Créé par Claude Allègre en 1998 et présidé par Alain Supiot, le Conseil avait conduit des travaux remarquables sur l'organisation et l'avenir de la recherche en sciences humaines et sociales."

Petit défaut quand même dans la composition du Conseil, un trou dans la raquette comme on dit familièrement, aucun représentant des langues, littératures et civilisations étrangères. C'est très dommage, car, sans critiquer la présence des sommités universelles qui composent déjà le conseil, ce champ disciplinaire est celui qui est le mieux placé pour avoir une vision critique et comparative ou contrastive des systèmes sociaux et culturels, ce dont nous avons le plus grand besoin. Les sociétés savantes qui représentent ce champ disciplinaire se sont émues à juste titre de cet oubli révélateur.

A partir de là, la question est de savoir ce que la ministre attend de ce conseil. Des propositions bien sûr. Très bien. Mais c'est aussi de savoir ce que deviendront ces propositions. Ca dépend, sans aucun doute.

A titre d'exercice, nous posons la question suivante à la ministre : puisque les travaux du précédent Conseil étaient à ce point excellents, il nous importe nous de savoir ce que la ministre entend faire des préconisations d'Alain Supiot, qui présidait ce comité, en ce qui concerne les langues dans le domaine de la recherche, préconisations disponibles sur ce site. Nous en recommandons la lecture à tous nos internautes et les invitons à écrire à la ministre pour qu'elle s'en imprègne et qu'elle modère des propos restés dans toutes les mémoires et qui lui ont valu le prix de la Carpette anglaise 2009. On se souvient qu'elle avait notamment déclaré que le français était une langue en déclin et qu'il fallait briser le tabou de l'anglais dans les institutions européennes, ainsi que dans les universités françaises, en rendant obligatoire l'enseignement intensif de cette langue au détriment de toutes les autres (ce qui est notamment contraire au traité de l'Élysée de 1963). Elle a préconisé la systématisation de filières français-anglais à l'Université et d'autres langues telles que le chinois et l'arabe, en oubliant l'existence dans les universités de filières trilingues, telles que celles offertes par l'Université franco-allemande qui mériteraient d'être développées.

L'OEP