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QUEBEC - Un grain de sel sur la langue, du butin sur la corde à linge

Photo: M. Bonato Ici, tout vient du vocabulaire marin. Héritage, entre autres, de la pêche, si importante, et de cette condition insulaire, qui caractérise les Madelinots depuis 250 ans

Une langue qui goûte le sel et porte la sueur de pêcheurs qui ont grandi le vent en poupe, à tanguer sur les ponts. Des mots éventés par le souffle du large, mouillés par les embruns. Il est peu d’endroits où la mer s’est autant enracinée dans le langage qu’aux îles de la Madeleine. Un parler où l’on entend chanter la mer en sourdine, mais pour combien de temps encore ?

Ici, le passé maritime habite toujours le quotidien, même chez les marins qui ont depuis longtemps jeté l’ancre sur la terre ferme et rangé leurs voiles. Aux Îles, on ne tient guère son chien en laisse. On l’amarre plutôt, comme on amarre ses lacets, ses cheveux ou même ses poubelles, les soirs de gros vents.

Et quand on se fait beau pour sortir, on se « greille », histoire d’être « accostable ». Si on n’« étarque » plus les voiles, on s’étarque encore de son long sur le divan, comme on étarque son budget ou, mieux, les histoires de pêcheurs. « Quand j’étais petite, on se criait même : “Étarque ! Étarque !” pour lancer la balle », raconte en rigolant Suzanne Richard, de Havre-aux-Maisons, auteure qui tient causerie tout l’été sur le quai de la Grave sur ce parler où l’on « entend la mer ».

Dans l’archipel, on compte le temps en marées plus qu’en minutes, car « y a belle lurette », ou plutôt « une marée », que les navires ne sont plus seuls à « hâler ». Sur la terre ferme, on continue de hâler son vent (respirer), de se hâler une chaise et de « déhâler » au plus sacrant quand il faut prendre la porte et qu’on ennuie la visite. Même les vaches sont « larguées » dans les dunes, les chanceuses.

Preuve que la mer suivait les Madelinots jusqu’à leur « bout d’âge », on se faisait hâler en terre plutôt qu’enterrer. Et au moment de rendre son dernier souffle, on disait « larguer son vent ». La mer, toujours, à la vie à la mort.

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http://www.agora-francophone.org/diversite-culturelle/article/quebec-un-grain-de-sel-sur-la-langue?id_mot=2&utm_medium=Email&utm_campaign=Infolettre-2018-08-28&utm_source=Mandrill

https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/534234/un-grain-de-sel-sur-la-langue